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Trop fourre-tout

Objet de curiosité, cet «album-qui-n’en-est-pas-vraiment-un» plaira surtout aux lecteur·rices habituel·les de Zviane.

Bande dessinée

Objet de curiosité, cet «album-qui-n’en-est-pas-vraiment-un» plaira surtout aux lecteur·rices habituel·les de Zviane.

Quiconque a fréquenté un peu l’œuvre de Zviane au cours de la dernière décennie connaît le goût de l’artiste pour l’expérimentation en bande dessinée. De l’album plus conventionnel Les deuxièmes (Pow Pow, 2013) à Ping Pong (Pow Pow, 2015), essai sur la création artistique qu’il faut absolument lire, en passant par différents fanzines et autres planches sur le web, Zviane n’a qu’une seule «contrainte»: privilégier l’authenticité. Yoyolalala montre le plaisir qu’éprouve l’illustratrice à explorer le neuvième art. En fait, il ne s’agit pas d’un livre au sens propre du terme, mais bien du huitième numéro de la revue La jungle, un projet solo de l’autrice comprenant neuf livraisons dans lesquelles se côtoient bande dessinée, photos et illustrations. Pour la première fois, le périodique n’est pas autoédité, et le tirage de Pow Pow ne compte que mille exemplaires. Fans de Zviane, dépêchez-vous!

Quelques longueurs

La trame principale de l’album est axée sur l’été que passe Zviane, âgée de vingt et un ans, à travailler comme monitrice dans un camp pour autistes. Rien ne la prédestine à ce boulot, puisqu’elle étudie en musique et qu’elle n’a aucune expérience avec une telle clientèle. Pourtant, cette période s’avère marquante pour la protagoniste. Zviane n’est pas la première bédéiste qui revient sur un emploi formateur de sa jeunesse: Michel Rabagliati (Paul a un travail d’été, La Pastèque, 2002) et Guy Delisle (Chroniques de jeunesse, Pow Pow, 2021) l’ont déjà fait de manière remarquable. Difficile de ne pas comparer Yoyolalala à ces œuvres à la structure plus linéaire. Zviane, pour sa part, morcelle son récit en courts chapitres. Certains sont centrés sur les jeunes qui fréquentent le camp; d’autres racontent les bons moments passés lors des pauses ou des soirées, quand les campeur·ses sont couché·es. On comprend l’attachement de l’autrice pour ces personnes, mais certains épisodes reprennent des événements semblables à ceux narrés dans les pages précédentes.

Heureusement, les expérimentations de la créatrice brisent le rythme: on retrouve au détour d’une page une photo ou une illustration sans lien avec l’histoire. La grande force de cet album réside dans sa présentation graphique. On passe du noir et blanc aux teintes de jaune et de bleu, puis du lilas et du noir à des planches colorées grâce à l’intelligence artificielle. Zviane essaie fort et pousse les codes de la bande dessinée toujours plus loin. Je pense à ces deux planches dont les cases sont toutes de formes différentes et ne contiennent que des phrases sans lien entre elles. Foncièrement distincts, les caractères remplissent également l’espace de la page. On a l’impression de crouler sous les mots.

Certains passages, en revanche, laissent dubitatif·ves, comme ces deux planches qui relatent l’histoire de deux oiseaux travaillant dans un bureau. L’un est ligoté; l’autre lui dit qu’en fait, les cordes l’entourent. En réalité, le volatile n’est réellement attaché que par le bout de la patte. Il casse donc le fil et s’envole. La dessinatrice se voulait-elle ironique ou a-t-elle simplement créé une fable maladroite?

Trop de matériel

Les lecteur·rices qui, comme moi, découvrent Yoyolalala sans avoir lu les premiers numéros de la revue La jungle ne comprendront pas les pages dédiées à des histoires amorcées dans des livraisons précédentes. Lire le deuxième chapitre de la série Artificial Psychiatry ne me donne pas nécessairement envie de me plonger dans l’œuvre intégrale. L’idée de Zviane et de Pow Pow de publier «officiellement» ce numéro est séduisante, mais il aurait peut-être été préférable de privilégier des récits complets pour ce volume qui se veut plus commercial. Par exemple, l’album contient les septième, huitième et neuvième chapitres de la série Football fantaisie, qui représentent le tiers des pages du livre. Il est difficile d’apprécier cette partie, alors que tous les personnages nous sont inconnus, et que nous nous retrouvons en plein milieu d’une intrigue qui semble, de prime abord, assez complexe. Heureusement, les éditions Pow Pow lanceront l’intégrale de la série au cours des prochains mois, mais je m’explique mal comment ce segment de Yoyolalala peut donner envie de la lire.

Zviane n’est jamais à court de projets. Ses expérimentations donnent souvent naissance à de fascinants ouvrages; parfois, comme c’est le cas ici, l’autrice propose des bandes dessinées qui plairont davantage aux gens gravitant autour du milieu de la bande dessinée québécoise qu’aux lecteur·rices d’occasion. Je suis convaincu que ce n’est que partie remise pour la bédéiste.

Auteur·e·s
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Zviane
Montréal, Pow Pow
2021, 152 p., 34.95 $