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Point d’émergence

Depuis seize ans, la maison d’édition Les Six Brumes contribue de manière significative au rayonnement des littératures de genre au Québec. Avec ce nouvel ouvrage, elle continue de promouvoir la fantasy, la science-fiction et le fantastique.

Littératures de l'imaginaire

Depuis seize ans, la maison d’édition Les Six Brumes contribue de manière significative au rayonnement des littératures de genre au Québec. Avec ce nouvel ouvrage, elle continue de promouvoir la fantasy, la science-fiction et le fantastique.

Selon sa quatrième de couverture, Écrire et publier au Québec: les littératures de l’imaginaire s’adresse à la fois aux débutants et aux écrivains plus aguerris. Ce généreux guide de près trois cents pages conviendra toutefois davantage aux novices, car il expose des notions de base en expliquant par exemple ce que sont un salon du livre et une nouvelle.

La table des matières, ample et détaillée — elle compte 10 pages —, impressionne par sa rigueur et sa structure. Chaque section occupe en général une ou deux pages, et toutes les parties présentent une synthèse méthodique du thème abordé. En guise de prémices à l’ouvrage, Jean Pettigrew, éditeur d’Alire (principale maison d’édition spécialisée dans la littérature de genre au Québec), signe une préface vibrante et accrocheuse. Il mentionne avec justesse qu’il «aurait adoré lire ce manuel il y a un demi-siècle». Dans son préambule (érudit, il cite même le chevalier Coqdor, aussi amusant que méconnu, héros d’une série de romans créé par Maurice Limat), il spécifie que ce guide saura être un allié précieux pour l’auteur «qui tient à mettre toutes les chances de son côté».

L’auteur émergent dénichera en effet maints outils dans Écrire et publier au Québec: les littératures de l’imaginaire: la police de caractères adéquate pour soumettre un manuscrit, le rôle d’un directeur littéraire, les différences entre la science-fiction, la fantasy et le fantastique, les éditeurs et les événements liés aux littératures de l’imaginaire,etc. Quant aux écrivains en voie de professionnalisation, malgré quelques passages plus étoffés, à l’instar de la section sur les contrats d’édition, sur le droit de prêt public (DPP) ou encore l’intéressante théorie de «l’artiste, de l’architecte et du juge», ils y trouveront moins leur compte. Ils auront néanmoins la possibilité de comparer leur pratique avec celles d’autres auteurs en plus de réviser les étapes de la production d’un livre.

Apartés

L’approche du manuel s’avère cependant souvent badine, désinvolte. Nous avons de temps à autre le sentiment d’avoir «gardé les cochons» avec les auteurs. Le ton oscille alors entre le mièvre («le mystérieux monde littéraire»), le relâché («sept refus, ça rentre dedans solide»), les évidences («vous devez prendre conscience que le lecteur n’est pas idiot») et l’humour malhabile. Quelques exemples de ce dernier aspect: «Mais le premier jet est au roman ce que les bobettes sales sont à l’humain moyen: tout le monde en a, mais si vous les exposez en public, on va rire de vous» ou «un taux horaire qui, de nos jours, rebuterait même un travailleur unijambiste du Bangladesh». Les apartés humoristiques sont presque systématiquement placés entre parenthèses, celles-ci, ainsi que les points d’exclamation, étant légion dans le texte.

Cette plume familière n’évite pas çà et là anglicismes et clichés — que le manuel conseille au néophyte de proscrire —, tels que «couler dans le béton», «en criant ciseau», «pondre quelques lignes», «sauver du temps», «chargent à l’heure», «prérequis». Ultime élément qui laissera dubitatifs certains lecteurs: les jugements à l’emporte-pièce; même si, par endroits, les auteurs d’Écrire et publier au Québec: les littératures de l’imaginaire précisent qu’ils sont conscients de leurs raccourcis. Par exemple: «Tout le monde ne peut pas être extraverti, mais la timidité excessive n’a pas sa place dans le milieu littéraire» ou «nous avons tous des moments où nous croyons que nos textes sont les meilleurs et où nous envions furieusement le succès des autres». Des nuances auraient été les bienvenues… D’autant plus que la vigilance est de mise quant au contenu et à la forme d’un guide qui vise à montrer comment écrire. L’humilité des rédacteurs de l’ouvrage — trois auteurs à mi-carrière connus et impliqués dans le milieu de l’imaginaire québécois — qui n’hésitent pas à évoquer leurs propres faux pas, atténue heureusement cette impression générale.

Rayons émergents

Écrire et publier au Québec: les littératures de l’imaginaire compense ses maladresses par la générosité et la diversité de son contenu, offert dans un écrin aussi pratique qu’esthétique. Le livre comprend des listes de références théoriques pour connaître les littératures de l’imaginaire, une annexe de cent œuvres phares et des statistiques sur les habitudes des quarante-neuf professionnels interrogés (parmi lesquels on retrouve Héloïse Côté et Francine Pelletier ainsi que la quasi-totalité des auteurs de moins de trente-cinq ans qui écrivent de la littérature de genre). Les rédacteurs n’omettent pas les illustrateurs, les chercheurs et les essayistes en s’intéressant à la manière dont l’imaginaire s’intègre dans leur démarche. De plus, ce manuel, qui démystifie bon nombre d’idées reçues, peut constituer un bon complément à Comment écrire des histoires, d’Élisabeth Vonarburg, ainsi qu’à Comment ne pas écrire des histoires, d’Yves Meynard. Écrire et publier au Québec: les littératures de l’imaginaire se révèle finalement une initiative originale: les guides d’écriture pullulent, mais non ceux spécifiquement dédiés à l’imaginaire québécois.♦

Auteur·e·s
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Article au format PDF
Geneviève Blouin, Isabelle Lauzon, Carl Rocheleau
Sherbrooke, Les Six Brumes
2017, 278 p., 25.00 $