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Les aléas de l'amour

En 2019, un livre étonnant, avec pour sujet l’amour en Nouvelle-France, arrivait en librairie. La suite des aventures de nos ancêtres concerne cette fois-ci les années 1760-1860.

Essai

En 2019, un livre étonnant, avec pour sujet l’amour en Nouvelle-France, arrivait en librairie. La suite des aventures de nos ancêtres concerne cette fois-ci les années 1760-1860.

Jean-Sébastien Marsan nous revient avec le deuxième tome de son Histoire populaire de l’amour au Québec, publié aux éditions Fides. En mélangeant la trame historique évènementielle aux changements vécus dans le vaste domaine des relations amoureuses chez les habitants de la nouvelle province britannique de Québec, il nous plonge dans un monde en mutation politique et sociale. Au gré des pages, nous découvrons les différentes réalités des célibataires et des couples mariés, de même qu’une Église catholique omniprésente et indubitablement scrutatrice.

En effet, bien que les Canadien·nes français·es vivent alors les bouleversements provoqués par le Régime anglais, les institutions religieuses demeurent très actives dans la sphère privée afin de s’assurer que l’étiquette amoureuse, empreinte de respectabilité, puisse survivre aux perturbations politiques et économiques. Mais en raison de leurs contacts avec la société britannique, elles adoptent certaines pratiques populaires… comme les célébrations de la Saint-Valentin!

Romantisme, célibat et mariage

L’auteur nous plonge d’emblée dans le contexte historique des années 1760, marqué par le choc de la Conquête et l’officialisation du passage des territoires de la vallée du Saint-Laurent dans l’Empire britannique. Nous découvrons avec intérêt comment le romantisme anglais et ses idéaux de mariage, basés sur l’amour plutôt que sur les alliances familiales, se fraient un chemin auprès des Canadien·nes français·es pour devenir une sorte de norme au XIXe siècle. Cette vision s’immisce d’ailleurs dans les chaumières, où l’accès aux livres est désormais possible. Les lettré·es peaufinent ainsi leur quête de l’idéal amoureux grâce à des auteurs comme Lord Byron, Sir Walter Scott, Goethe et, bien entendu, Victor Hugo. Déjà, dans cet univers littéraire, l’Église tente de limiter les dégâts en développant sa liste d’ouvrages mis à l’Index.

Les troisième et quatrième chapitres concernent le célibat et le mariage. Celui sur le célibat s’avère particulièrement fascinant, puisqu’il s’agit d’un sujet plus rarement abordé et souvent moins bien documenté. Les extraits d’archives utilisés sont très intéressants, car ils montrent les différentes façons à l’époque de rencontrer des candidat·es potentiel·les. L’écrivain nous présente entre autres une petite annonce publiée en 1832 dans le journal montréalais La Minerve, dans laquelle un jeune homme cherche une femme à marier. La compagne idéale doit être «assez aimée de Vénus et de la fortune». Voilà une formulation savoureuse!

Mais au-delà des petites annonces, où rencontrer l’homme ou la femme de sa vie? Dans les soirées de danse qui, comme l’explique Marsan, font craindre les pires débordements aux élites religieuses. Si, pendant ces évènements, une idylle naît, les rencontres suivantes se déroulent sous la supervision d’un·e chaperon·ne. En fait, tout converge assez naturellement vers le mariage.

Vie conjugale et sexualité

Les derniers chapitres détaillent l’évolution de la vie conjugale, du voyage de noces – populaire au sein de la société anglaise, mais moins chez les Canadien·nes français·es – au devoir conjugal et à la famille. Les lecteur·rices habitué·es aux lettres de leurs ancêtres auront peut-être un léger pincement au cœur en lisant celles retenues par Marsan: elles commencent par des formules telles que «Mon cher ami». L’essayiste ne néglige pas les questions relatives aux séparations et se permet de donner un exemple de mariage malheureux en citant le cas… de la Corriveau.

Au terme de cette histoire des mœurs et coutumes amoureuses des Canadien·nes français·es, on constate que les institutions catholiques exercent une certaine domination dans la sphère privée. C’est pourquoi Marsan prend le temps de revenir sur cet aspect en conclusion. Un tel retour semble en effet nécessaire. L’auteur insiste sur l’importance de ne pas analyser les réalités du passé avec nos yeux d’aujourd’hui et de ne pas considérer la société d’alors comme étant complètement assujettie à une «dictature religieuse». Les extraits d’archives nous démontrent par ailleurs le contraire.

Regorgeant d’anecdotes, ce deuxième tome est une belle suite au premier. Il est toutefois difficile d’y bien suivre l’évolution chronologique des sujets choisis, puisque nous passons souvent d’une décennie à l’autre sans qu’il y ait véritablement de lien logique. Qui plus est, certains sous-thèmes brisent par moments l’équilibre des chapitres. Il n’en demeure pas moins que ce livre, porté par une écriture directe et claire, s’avère une excellente synthèse pour découvrir les plaisirs amoureux de nos ancêtres.

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