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La maison hantée de Rosemont

Pour cette série oscillant entre réel et fantastique, et destinée aux adolescents, Geneviève Pettersen s’est adjoint le dessinateur François Vigneault.

Bande dessinée

Pour cette série oscillant entre réel et fantastique, et destinée aux adolescents, Geneviève Pettersen s’est adjoint le dessinateur François Vigneault.

Blogueuse, chroniqueuse, autrice (son roman La déesse des mouches à feu a été un succès critique et populaire), Geneviève Pettersen promène sa plume et sa verve où bon lui semble, du Sac de Chips du Journal de Montréal aux planches du Théâtre de Quat’sous. Pour son premier scénario de bande dessinée, c’est à François Vigneault, créateur de l’album Titan paru l’an dernier chez Pow Pow, qu’est revenue la tâche d’illustrer les mots de la romancière. Ce dernier donne un souffle et une vision à un récit qui tombe souvent dans le cliché, mais qui n’est pas dépourvu de qualités pour autant.

La grande ville

Le récit initiatique qu’a créé Geneviève Pettersen ne gagnera pas de prix d’originalité. Alexis, le héros, est un jeune garçon d’une douzaine d’années qui vit à Chicoutimi avec ses parents. Son univers bascule lorsque son père meurt d’un accident de travail et que sa mère décide de changer de vie en emmenant son fils habiter à Montréal, sur la 13e Avenue dans le quartier Rosemont. Déraciné et désorienté, le personnage principal trouve un ami en Ernest, son voisin de l’appartement du dessus. La rencontre avec Alice, véritable déesse aux yeux d’Alexis, l’aidera aussi à accepter sa nouvelle existence. La scénariste réussit tout de même à intéresser le lecteur grâce à son héros, qui, même s’il a perdu tous ses repères, ne s’écroule jamais devant les obstacles. Les récitatifs insérés dans plusieurs cases contiennent les pensées d’Alexis qui devient le narrateur de sa propre histoire ; procédé extrêmement efficace dans cet album. L’arrivée d’Alice le chamboule complètement, et ce, avec raison ; la jeune fille a les yeux pétillants, une détermination à toute épreuve, et ne semble pas trop se laisser marcher sur les pieds.

Alexis s’habitue à Montréal et apprivoise son environnement. Sans grande subtilité, Geneviève Pettersen veut faire découvrir à son lecteur les beautés de la vie de quartier. Et si elle y réussit, c’est beaucoup grâce aux dessins de François Vigneault. Ses personnages sont tout en finesse, son trait est gras, il respire. Les cadrages qu’il utilise sont simplement magnifiques, les premières planches qui montrent la mère annonçant la terrible nouvelle à son fils sont belles, rien n’est trop appuyé et on se doute bien du drame qui se trame quand le garçon gravit les marches vers la chambre de sa mère, passant devant la série de photos de famille encadrées. Le noir et blanc sied bien à Vigneault, il se sert habilement des tonalités de gris pour des retours dans le passé, ou encore pour illustrer ses arrière-plans. Voici un dessinateur qui se met complètement au service du scénario et qui transforme un récit somme toute banal en quelque chose de vivant et d’original. Malheu-reusement, il n’arrive pas à sauver la dernière partie de l’album.

Brisure de ton

Quelques jours avant l’anniversaire d’Alice, auquel il est invité, Alexis se retrouve dans l’appartement de son ami Ernest. L’endroit ne lui plaît guère, l’odeur de renfermé est omniprésente. Puis, le mystérieux Ernest sort de son placard un jeu de Ouija, qui, selon certains, permet de communiquer avec les morts. Notre héros hésite à jouer, mais son ami le convainc lorsqu’il lui raconte et surtout lui montre, par télépathie, la façon dont son père est décédé. Quand Alexis pose une question à son défunt papa, la réponse qu’il obtient à travers la planche lui prouve hors de tout doute que c’est bel et bien son père qui lui parle. À partir de ce moment dans l’album, le monde d’Alexis prend une tournure surnaturelle qui, peut-être, plaira à certains jeunes lecteurs mais qui, pour ma part, m’a profondément ennuyé. Les dernières planches ressemblent à une mauvaise imitation de ces émissions américaines pour adolescents où se côtoient esprits et vampires.

Bien sûr, tout pousse à croire qu’Ernest est un fantôme, il se décrit comme un garçon de treize ans qui aime David Bowie, alors que trône dans sa chambre une affiche du disque Low paru à la fin des années soixante-dix. Ses vêtements le trahissent, comme sa coupe de cheveux. Ces évènements surnaturels arrivent au moment où l’histoire d’amour entre Alexis et Alice débute. Dommage, car cette romance, aussi cliché soit-elle, prend tout son sens dans l’attachement que l’on porte à ces deux jeunes. On a la désagréable impression que les personnages sont forcés d’entrer dans un récit gravé dans le béton, au cadre rigide, alors que c’est dans les banalités de leur quotidien qu’ils semblent les plus crédibles. Espérons que le deuxième tome de 13e Avenue permette à Alexis et Alice de s’épanouir davantage. ♦

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Geneviève Pettersen, François Vigneault
Montréal, La Pastèque
2018, 176 p., 19.95 $