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Futur trop simple

La bande dessinée de science-fiction est un genre en soi, avec ses sujets de prédilection
et ses codes graphiques. Certains auteurs influents s’en sont emparé, qu’on pense à Bilal,
Mœbius ou Christin. Le Montréalais François Vigneault s’y essaie à son tour dans Titan.

Bande dessinée

La bande dessinée de science-fiction est un genre en soi, avec ses sujets de prédilection
et ses codes graphiques. Certains auteurs influents s’en sont emparé, qu’on pense à Bilal,
Mœbius ou Christin. Le Montréalais François Vigneault s’y essaie à son tour dans Titan.

Les planches de François Vigneault ont été publiées au préalable en anglais chez Study Group Comics, maison d’édition spécialisée dans la diffusion web de bandes dessinées. L’auteur, originaire des États-Unis, vit à Montréal depuis 2015. Les éditions Pow Pow ont eu l’excellente idée d’en confier la traduction à Alexandre Fontaine Rousseau, auteur de BD lui-même. Travail réussi de Rousseau qui ne trahit point l’œuvre originale. Malheureusement, la meilleure des traductions ne peut pallier les carences narratives de ce récit ponctué de longueurs.

Lutte des classes

L’album s’ouvre dans une lointaine galaxie, au rythme des paroles d’une chanson de Jeff Tweedy du groupe Wilco. L’ADMN (ainsi que se nomment les administrateurs) João Da Silva doit inspecter la colonie minière de Homestead, exploitée par les Terrans et située sur une planète éloignée. Comme plusieurs territoires, celle-ci est peuplée de Titans, qui sont en fait des ouvriers (des OUVR, comme on les appelle). Le nom des Titans fait référence à leur taille imposante, ce qui crée un paradoxe traité un peu trop conventionnellement entre les «petits» patrons et les «immenses» ouvriers. Le physique presque menaçant de ces derniers ne parvient pas à ébranler le nouvel inspecteur de la colonie, qui est, bien sûr, déterminé à faire régner la justice et la paix.

Dès son arrivée, Da Silva est confronté à un président de syndicat très peu coopératif. Les clichés prouvent ainsi qu’ils peuvent traverser l’univers. Le face à face entre le patron et le simple employé s’intensifie, dans le déjà vu, soit, mais le dessinateur mène ailleurs son récit. Les installations sur Homestead sont vétustes et João doit convaincre les Titans de coopérer afin qu’ils sauvent leur travail. Mais les ouvriers doutent de la sincérité et des bonnes intentions de l’inspecteur. Pourquoi ce Terran serait-il différent de ceux qui les exploitent depuis si longtemps? Tout dégénère lorsque Da Silva propose de fixer des capteurs sur certains ouvriers, afin de pouvoir analyser leur production quotidienne. Encore ici, la référence peu subtile à Big Brother sent le réchauffé.

Et l’amour?

L’ADMN Da Silva ne connaît pas que des heures difficiles sur Homestead. Ses rapports avec Phoebe Makintosh, qui doit l’accompagner en tant que représentante du syndicat lors de ses visites de chantier, se transforment en liaison amoureuse au cours des pages. La relation intime entre le «terrien» et «l’extra-terrestre» a été exploitée mille fois, autant dans des séries télé comme Star Trek que dans les bandes dessinées de Bilal.

Ce qui sauve la mise chez Vigneault, c’est la force du personnage féminin qu’il a créé. Phoebe est une grande amatrice de musique, elle a d’ailleurs réussi à récupérer la collection de disques vinyles qui faisait partie des archives culturelles terrestres. On sent son émotion quand elle partage sa trouvaille avec Da Silva lors de leur premier rendez-vous. La discussion qui suit les classiques (et trop nombreuses) planches les montrant faire l’amour rend l’OUVR encore plus attachante. Le destin étant ce qu’il est, c’est à ce moment précis que les Titans se mettent en grève. Phoebe se trouve déchirée entre son engagement envers les Titans et les sentiments qu’elle voue à sa nouvelle flamme.

Alfred Hitchcock disait qu’il valait mieux partir d’un cliché que d’y finir. L’album de François Vigneault ne réussit qu’à demi ce pari. Son trait assumé, le découpage de ses planches apportent au récit un rythme qui ne connaît pas vraiment de ralentissement. Le propos qu’il tient sur les inégalités sociales, même s’il n’est pas très original, dénonce une triste réalité. Les références musicales qui ponctuent l’album sont sympathiques, mais elles sont si nombreuses qu’on en vient à se demander si elles sont toutes bien nécessaires. Bref, un livre un peu long qui aurait eu intérêt à sortir des sentiers battus.♦

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François Vigneault
Montréal, Pow Pow
2017, 204 p., 27.95 $