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Yves contre-attaque

Le patron de la maison d’édition Pow Pow, Luc Bossé, empoigne à nouveau ses crayons et, sur un nouveau scénario d’Alexandre Simard, ramène Yves à la vie.

Bande dessinée

Le patron de la maison d’édition Pow Pow, Luc Bossé, empoigne à nouveau ses crayons et, sur un nouveau scénario d’Alexandre Simard, ramène Yves à la vie.

Le précédent tome, Yves, roi de la cruise, a été l’un des premiers albums parus chez Pow Pow. Antihéros par excellence, Yves n’a jamais eu la drague facile, d’autant plus qu’il peut compter sur son ami Michel pour lui rappeler son manque d’assurance en la matière. Huit ans après la parution du premier volume, Yves est de retour. Est-ce que la drague et la vie en général sont devenues plus simples? Les choses ont changé, certes. Mais peut-être pas pour le mieux.

Yves tombeur de ces dames

Le personnage imaginé par Alexandre Simard et Luc Bossé demeure le cliché du gars débonnaire qui subit sa vie plutôt que de la vivre. Son t-shirt «Procrastinators: leaders of tomorrow» annonce bien ce qu’il est. Cependant, les auteurs arrivent à le rendre sympathique et attachant; il a des défauts mais les dilemmes qui le préoccupent l’humanisent. En couple avec Danielle, Yves semble attirer les filles plus qu’il ne l’avait jamais fait auparavant. De Virginie qu’il croise à un arrêt d’autobus à la serveuse DJ du restaurant Dame Tartine en passant par une voisine qu’il n’avait jamais croisée, le destin le drague presque sans retenue. À l’une de leurs nombreuses rencontres fortuites, cette dernière le séduit ouvertement et le taquine en lui rappelant à quel point sa vie doit être ennuyante lorsqu’il regarde la série Virginie avec sa compagne le soir. Yves ne cède pas, en tout cas pour le moment, tentant tant bien que mal de trouver un sens à tout ce qui lui arrive.

Le dessin de Luc Bossé est la simplicité même, les personnages sont presque toujours montrés à partir de la taille et les décors sont minimalistes. C’est dans le découpage de ses cases que le dessinateur réussit à faire passer les émotions ou les malaises de chacun. Il n’hésite pas à reprendre plusieurs fois les mêmes cases sur plusieurs planches. Ainsi, lorsque Yves et Michel déjeunent ensemble et qu’arrive la jolie serveuse croisée plus tôt dans le livre, l’échange qu’elle a avec le héros à ce moment laisse deviner la gêne qui plane, mais annonce surtout celle qui perdurera quand Yves avouera à son ami que Danielle ne veut pas l’inviter à leur pendaison de crémaillère. Certaines cases ne contiennent aucun phylactère, l’embarras occupe tout l’espace. La culpabilité d’Yves le forcera à accepter d’accompagner Michel à une prochaine sortie de drague. Le pauvre diable est en peine d’amour depuis que Julie l’a quitté à la suite d’une autre de ses infidélités. Chassez le naturel, il revient au galop.

Fin cahoteuse

Le reste de l’histoire tombe davantage dans le cliché. Michel surgit à la pendaison de crémaillère et s’emberlificote dans une discussion d’ivrogne avec Julie, invitée à la soirée. Ces planches n’apportent pas grand-chose à un album déjà touffu. Heureusement, certains passages ajoutent à la complexité des personnages, pensons ici au moment où Yves demande la permission à Danielle de sortir dans un bar avec Michel. On a l’impression de voir un enfant tenter de convaincre sa mère de sortir avec ses amis. La fragilité du personnage et son constant besoin d’approbation sautent aux yeux. La sympathie que l’on éprouve pour Yves vient de ces moments où les auteurs laissent filtrer l’humanité de leur héros.

Puis, Danielle lance à Yves l’idée d’avoir un bébé. Ce dernier, fidèle à lui-même, comme l’annonce le titre de l’album, préfère fuir et sombrer dans la facilité au lieu de partager ses appréhensions avec son amoureuse. Ce qui nous amène à constater qu’il est dommage que les personnages féminins soient campés dans des rôles préétablis, il aurait été intéressant de les sentir plus incarnés. Danielle en est le meilleur exemple, on se demande bien comment Yves a pu tomber amoureux de quelqu’un de si contrôlant et, surtout, de si ennuyant. Ceci dit, malgré ces quelques bémols, Yves, fidèle à lui-même reste une lecture fort agréable, qui aurait pu gagner en intérêt si on en avait retranché une centaine de pages. ♦

Auteur·e·s
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Luc Bossé, Alexandre Simard
Montréal, Pow Pow
2018, 222 p., 24.95 $