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Questionnaire LQ

Questionnaire LQ

Est-ce que le roman est mort?

Ce n’est pas une question qui me préoccupe vraiment. Quand j’écris, je veux simplement raconter, et l’histoire prendra la forme qui lui convient, je ne fais que suivre son élan.

La qualité que vous préférez chez votre éditeur·rice, ou son pire défaut?

L’écoute et l’exigence. Rodney Saint-Éloi est un éditeur toujours à l’écoute, mais qui n’accepte jamais la complaisance. À chaque roman, il me pousse à me dépasser. Il exige le meilleur de moi-même et cela me motive et m’encourage énormément, car je sens qu’il croit en moi et en ce que j’ai à donner.

Avez-vous une béquille littéraire? Si oui, laquelle? Expliquez.

Ah oui. J’aime tellement chanter et lire la poésie. Je dois faire attention, car j’ai tendance à écrire des phrases qui riment!

Le roman que vous avez honte d’avoir lu?

La quantité pas possible de romans Harlequin que j’ai lus plus jeune!

Le roman que vous avez honte de ne pas avoir lu?

Tous les romans de littérature arabe qui sont dans la bibliothèque de mes parents.

Le pays dont vous préférez la littérature?

Impossible à dire. Je lis surtout des auteurs et des autrices qui écrivent entre les pays et les cultures.

Le livre ou l’auteur·rice qui fait partie intégrante de l’écrivaine que vous êtes devenue?

La Palestine comme métaphore, de Mahmoud Darwich.

Si vous n’écriviez pas, vous…

Je serais une personne très désagréable. En vérité, je rêvais d’abord d’être pianiste, puis l’écriture est entrée dans ma vie. Mais si l’écriture n’existait pas ni la musique, je serais architecte.

Votre personnage fictif préféré?

Oh, il y en a tellement! Je ne pourrais jamais choisir. Je commence par Hanthala, le petit garçon des caricatures de Naji Al-Ali, devenu le symbole de la conscience palestinienne. Ensuite il y a Modesta de L’art de la joie, de Sapienza, et Zeina l’abeille (Maya en français), la petite abeille que j’adorais enfant, car elle était curieuse et intrépide. Elle voulait sortir de la ruche et voir le monde.

Quelle est la citation que vous trouvez la plus galvanisante?

Je suis celui que l’on désigne comme «le poète de la Palestine»… Que pouvais-je contre le fait que mon histoire individuelle, celle du grand déracinement de mon lieu, se confondait avec celle d’un peuple? Mais je sais aussi… qu’il y a pire que [la poésie politique]: l’excès et le mépris du politique, la surdité aux questions posées par la réalité et l’Histoire et le refus de participer implicitement à l’entreprise de l’espoir.

– Mahmoud Darwich, La terre nous est étroite (Gallimard, 2000)

Votre drogue favorite?

Le chocolat.

Vous avez peur de…

Tomber.

Votre pire et votre meilleur souvenir d’écriture?

Pour chaque livre, j’ai un souvenir…

L’ombre de l’olivier. Mon petit-cousin à vélo sur la plage au Liban. C’était le coucher du soleil. On ne voyait que sa silhouette. Je l’avais pris en photo. Et la photo est devenue la couverture du livre.

Le parfum de Nour. Je pense aux heures passées à courir dans les parcs immenses de Londres. En courant, j’écrivais dans ma tête. Dans Wimbledon Common, j’ai suivi un sentier qui m’a amenée vers un ruisseau au fin fond du parc. Je n’avais plus de réseau et le bruit de la ville a disparu. J’étais seule au milieu du bois, au cœur de la ville et, si j’avais voulu disparaître, personne ne m’aurait trouvée. Je ne me suis jamais sentie aussi libre. J’ai écrit ce moment et l’ai intégré dans le roman.

Je suis Ariel Sharon. Quand j’ai reçu la traduction arabe du roman, mes parents et moi, installés dans le salon, l’avons lue à tour de rôle à haute voix. Ma mère m’a dit: «Yara, tu es une vraie écrivaine.» Le plus beau moment de ma vie d’autrice.

Les racistes n’ont jamais vu la mer. Rodney Saint-Éloi et moi dans la voiture en route vers Carleton-sur-Mer. Dès que j’ai vu le fleuve s’ouvrir à l’horizon infini, j’ai baissé la fenêtre pour sentir l’odeur du sel. Du coup la mer m’a semblé immense et pleine d’histoires.

J’ai constaté que l’on peut facilement passer à côté de tout ce que la mer porte de malheur et de bonheur, de rêves et de cauchemars. Cela a déclenché l’une de nos plus belles discussions, à Rodney et moi, autour de la mer et du racisme. Arrivés à Carleton-sur-Mer, nous avons écrit le chapitre Les racistes n’ont jamais vu la mer, qui a donné au livre son titre.

Lisez-vous les critiques de vos livres? Pourquoi?

Oui, bien sûr. Je ne peux y résister. J’ai appris avec le temps à les prendre avec un grain de sel.

Y a-t-il une autre manière d’écrire que sous la contrainte?

Je n’associe pas l’écriture à la contrainte. J’écris pour respirer. C’est un souffle qui me porte. C’est pourquoi je n’ai jamais pu suivre un plan d’écriture.

Vous voudriez prendre un verre avec quel·le écrivain·e, mort·e ou vif·ve? Pour lui dire quoi?

Je ne voudrais pas. Les écrivains qui m’inspirent sont en moi. Je les aime là, cachés dans les recoins de mon imagination.

Que lira-t-on sur votre épitaphe?

Elle a toujours aimé.

Qu’avez-vous à dire pour votre défense?

J’ai tout fait par amour.

Quel·les auteur·rices vous ont le plus inspirée dans votre propre écriture?

Ursula K. Le Guin, Svetlana Alexievitch, Jean-Claude Charles, Goliarda Sapienza, Mahmoud Darwich, Susan Abulhawa, Edward Said, Eduardo Galeano, Toni Morrison, Kazuo Ishiguro, Gabrielle Roy, Fatima Mernissi, Rodney Saint-Éloi, Chinua Achebe, Ben Okri, Frantz Fanon, George R. R.Martin, Fady Joudah, Clarice Lispector, Hannah Arendt.

Avez-vous un rituel d’écriture? Écrivez-vous le matin, le soir, la nuit? Dans un bureau, dans le salon? Aucune de ces réponses?

J’écris surtout le matin et je commence toujours à la main. Mes cahiers de notes sont parsemés de débuts de romans…

Photo Sandra LachancePhoto | Sandra Lachance
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