Promenade historique

Les auteurs du Dictionnaire historique du Plateau Mont-Royal, en l’occurrence Justin Bur, Yves Desjardins, Jean-Claude Robert, Bernard Vallée et Joshua Wolfe, présentent une véritable petite bible de 603 entrées agréables à lire et faciles à explorer, publiée chez Écosociété. Les auteurs expliquent leur démarche d’analyse et de publication en affirmant que: «Le Plateau est en quelque sorte un microcosme de Montréal. C’est d’ailleurs sa diversité et le grand nombre d’événements, d’édifices et de personnages liés à ce quartier qui nous ont amenés à choisir la formule du dictionnaire historique.»

En l’honneur des soixante-dix-neuf ans du nom de ce quartier, le Plateau, qui ne pourrait plus être reconnu autrement de nos jours, les auteurs ont réalisé un ouvrage étonnant et très complet. Bien que les amateurs d’histoire locale et régionale soient peut-être un peu moins habitués au format alphabétique, ce volume parvient néanmoins à être simple à consulter et nous réserve des surprises en de nombreux coins de pages.

Grâce à plus de 450 images, cartes, dessins et plans, on renouvelle ici complètement l’expérience traditionnelle du dictionnaire historique. Les classements thématiques sont très diversifiés et nous entraînent autant dans l’histoire de personnages et familles importantes, comme les Beaubien, les Clark ou un poète comme Abraham Moses Klein, que dans l’apport des Irlandais et des Italiens au secteur. Les entrées sur des lieux centraux comme le mont Royal et surtout le parc Lafontaine sont très détaillées et d’une grande pertinence.

Un guide touristique original

Non seulement l’ouvrage nous permet de découvrir le Plateau sous différentes facettes, mais il apporte aussi des précisions historiques importantes qui nous amènent à mieux comprendre l’évolution même du paysage de l’ensemble de la ville de Montréal: «Devant les critiques suscitées par la création, fort coûteuse, du parc du Mont-Royal au début des années 1870, les édiles s’entendent pour doter également l’est de la ville de grands parcs. On choisit le parc Logan et l’île Sainte-Hélène.» À travers le patrimoine bâti, les entreprises, les décisions politiques, les enjeux sociaux et divers aspects de la vie culturelle, les auteurs sont finalement parvenus à tisser une vaste courtepointe de faits précis, d’anecdotes et de fragments d’humanité qui informent, surprennent et émeuvent.

Si le vélo est aujourd’hui considéré comme un moyen de transport incontournable sur le Plateau Mont-Royal, et non pas seulement comme un véhicule réservé aux enfants et aux loisirs du dimanche, c’est en grande partie dû à l’action militante de Claire Morissette. Un vélo blanc a d’ailleurs été installé devant la résidence où elle a longtemps vécu, avenue de l’Esplanade, pour perpétuer sa mémoire.

Les auteurs fournissent aux lecteurs un immense guide touristique minutieux, qui nous fait visiter le Plateau autrement. Même les livres et romans mettant en valeur le Plateau, comme Le Matou d’Yves Beauchemin, ont leur place pour nous faire réaliser à quel point ce riche quartier montréalais est présent dans la culture québécoise.

Les grands et moins connus personnages du Plateau

De grands personnages y ont des articles et des photos qui nous font prendre conscience à quel point plusieurs noms de l’histoire québécoise ont vécu ou ont façonné à leur manière le destin de ce quartier. Certains très connus comme Gaston Miron, Jean-Paul Riopelle, Robert Bourassa, Pierre Bourgault ou même André Mathieu y figurent, d’autres moins comme la poétesse Ida Maze ou le militant Fred Rose, seul communiste élu au Parlement canadien! «Il a représenté la circonscription de Cartier, qui englobait un secteur à l’ouest du Plateau Mont-Royal, entre 1943 et 1947», apprend-on dans l’entrée qui lui est consacrée. La recherche est donc minutieuse et nous permet un périple de fond au cœur de ce microcosme montréalais qui fait néanmoins écho à l’histoire québécoise et canadienne, même dans sa diversité culturelle, très bien mise en lumière.

Outre la qualité des entrées et de la recherche générale, ce dictionnaire se distingue aussi par sa richesse iconographique. Il aura fallu aux auteurs beaucoup de travail pour dénicher des photos, gravures et peintures anciennes portant sur de nombreux thèmes de leur livre, passant de La rue Mentana de Paul-Émile Borduas à des photos comme celle du chemin du Mile-End. Mention spéciale à la série de portraits des familles Bagg et Clark, qui sont un des nombreux exemples de choix d’images qui viennent humaniser et agrémenter le propos. Les photos d’anciens bâtiments comme l’hôtel de ville du village de Lorimier nous ouvrent aussi une fenêtre unique sur un passé paysager révolu. Écosociété nous offre donc un livre non seulement unique de par son format, mais aussi incontournable pour tout amateur d’histoire du Québec. ♦