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Au-delà d'Octobre 1970

Sujet déjà abordé en bande dessinée, entre autres dans Paul au parc de Michel Rabagliati et Pour en finir avec novembre de Sylvain Lemay, la crise d’Octobre 1970 sert de toile de fond au récit scénarisé par Richard Vallerand et illustré par André-Philippe Côté.

Bande dessinée

Sujet déjà abordé en bande dessinée, entre autres dans Paul au parc de Michel Rabagliati et Pour en finir avec novembre de Sylvain Lemay, la crise d’Octobre 1970 sert de toile de fond au récit scénarisé par Richard Vallerand et illustré par André-Philippe Côté.

Richard Vallerand scénarise et dessine depuis quelques années; il nous avait donné en 2016 l’album Félice et le roi crabe en collaboration avec Mikaël. Le dessinateur André-Philippe Côté, lui, n’a plus besoin de présentation. Un des fondateurs du magazine Safarir, il est caricaturiste au Soleil depuis vingt ans ainsi que le créateur du Docteur Smog, héros de trois albums (éditions Jungle et La Presse). Pour leur première collaboration, fort réussie, les deux auteurs ont campé leur récit dans la ville de Québec en Octobre1970. Leur personnage principal, un peu comme le peuple québécois à ce moment charnière de l’histoire, cherche à comprendre et à accepter qui il est.

Récit bien ficelé

Les premières cases de la bande dessinée présentent une classe d’école secondaire typique de l’époque, où le tyran du groupe arrive en retard, arrogant envers l’enseignant et gratifiant d’une «mornifle» le héros de la bédé, Laurent. La vie à la maison n’est pas plus facile pour ce dernirer. Sa mère, Aline, est presque toujours absente, trop occupée par ses actions syndicales à l’hôtel qui l’emploie. Orphelin de père, il écoute sa mère lui raconter pour la énième fois comment son paternel a été tué d’un éclair alors qu’il travaillait sur un chantier à Matane. Heureusement, Laurent peut compter sur sa tante Marie, une hippie un peu bohème, serveuse dans un bar, pour s’occuper un peu de lui. Sans oublier le voisin d’en bas, monsieur Lebrun, qui prend le jeune homme sous son aile.

Le récit débute quand le professeur demande à ses élèves de créer un héros québécois. Laurent a son idée: il invente Hydroman, un superhéros qui doit ses pouvoirs à un éclair qui l’a foudroyé. Il aurait dû en mourir. Or, au contraire, cet accident l’a transformé et l’a rendu invincible. La bédé dessinée par Laurent se retrouve dans la trame narrative de Côté et Vallerand, créant ainsi une coupure avec le récit. Son personnage lui est malheureusement volé par Jason Picard qui, lorsqu’il lui donne une raclée, trouve le travail et avertit Laurent qu’il va le garder pour lui. Jason s’en prend à sa victime pour plusieurs raisons, entre autres parce que son père travaille au même hôtel que la mère du personnage principal. Le père de Jason a peur de perdre son emploi à cause des pressions qu’exerce le syndicat sur les propriétaires de l’entreprise. Laurent, se sentant dépourvu devant les actions de son dorénavant ennemi juré, se tourne vers sa tante Marie, qui a aussi son lot de problèmes.

Laurent hésite à dénoncer Jason et décide de le provoquer. Il invente un nouveau héros, mais amérindien cette fois. Jason, qui se réclame de cette même origine, est en furie contre Laurent lorsqu’il entend ce dernier décrire à l’enseignant son personnage. Sa tante Marie l’amène même au village huron afin qu’il complète ses recherches. Entretemps, il découvre la vérité sur ses origines, ce qui vient confirmer certaines choses qu’il pensait déjà. Un peu comme le Québec de l’époque, Laurent s’interroge sur son identité. Certains événements surgissent dans les vies d’Aline et de sa sœur Marie, ce qui vient compliquer les choses.

Un album complet

À la lecture des premières planches, le lecteur en vient à se demander s’il lit réellement un album pour «adultes». Les auteurs parviennent à dissiper le doute dès l’arrivée du personnage d’Aline, qu’on découvre dans une assemblée syndicale houleuse. Leur album montre des situations et des dialogues qui évitent les clichés. Les planches de Côté sont parfaites, pas nécessairement réalistes mais nuancées, avec un sens efficace du découpage. Au lieu de mettre des récitatifs qui expliquent les pensées de Laurent, quelques planches imitant des feuilles lignées qu’il aurait griffonnées sont dispersées au fil des pages. Grâce à ce procédé, le lecteur s’identifie mieux au personnage. Les couleurs s’assombrissent en même temps que le récit, les drames que vivent Laurent et sa famille n’en sont que plus touchants. Les dernières planches de l’album laissent les lecteurs sur une note d’optimisme qui n’est pas niais mais, au contraire, plutôt rafraîchissant. On espère une prochaine collaboration entre ces deux auteurs.♦

Auteur·e·s
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Article au format PDF
André-Philippe Côté, Richard Vallerand
Montréal, La Pastèque
2017, 104 p., 27.95 $